Le Syndrome de la dictature by Alaa El Aswany

Le Syndrome de la dictature by Alaa El Aswany

Auteur:Alaa El Aswany [EL ASWANY, Alaa]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Actes Sud
Publié: 2020-07-15T00:00:00+00:00


LA FOI ÉMOTIONNELLE

Seuls deux types de croyants choisissent leur foi : ceux qui vivaient au temps des prophètes et décidèrent de les croire, et ceux qui se convertissent à une religion différente, qu’ils jugent avoir plus de sens que celle dans laquelle ils sont nés. À part ces deux types de personnes, nous héritons de nos parents notre religion – ou notre manque de foi. Nous y croyons depuis notre petite enfance, nous lui devenons émotionnellement attachés et, au bout d’un certain temps, la religion devient une partie fondamentale de nos souvenirs et de nos consciences. Nous n’utilisons jamais l’intelligence pour adhérer à une religion, bien que nous le fassions pour la défendre.

Ainsi la religion est une croyance complètement héritée et instinctive. Nous construisons notre tranquillité d’esprit sur une religion et nous ne permettons généralement pas qu’elle soit remise en question. Nous pouvons prendre la personne la plus intelligente, la plus douée intellectuellement, la plus ouverte et la plus tolérante pour tout ce qui concerne les affaires séculières ; si la conversation s’oriente vers l’expression d’une quelconque forme de scepticisme religieux, cette même personne pourra soudain se transformer en fanatique prêt à nier les vérités les plus flagrantes et se mettre à proférer des affirmations infondées pour défendre des légendes et des élucubrations. Cette personne pourra se lancer dans des débats stériles et devenir arrogante. Elle y est poussée par son profond sentiment religieux et par une crainte instinctive que le doute puisse pénétrer la ferme croyance sur laquelle elle a construit sa vie et sa vision du monde. Par conséquent, il ne sert absolument à rien de discuter de religion avec de tels croyants, parce que leurs émotions ne leur permettent pas, spirituellement ou intellectuellement, d’entreprendre un réexamen logique de la doctrine religieuse.

Cette foi émotionnelle engendrée par la religion est également un phénomène propre à la dictature. Écoutez le discours de n’importe quel dictateur de l’ère moderne et vous n’y trouverez pas un seul argument logique. Un dictateur ne parle jamais à l’intelligence, il s’adresse aux émotions des masses qui s’abandonnent totalement à leurs sentiments, qui n’engagent pas leur intelligence mais au contraire s’identifient au dictateur. Ils le voient comme quelqu’un qui représente leur volonté, qui est leur héros et leur sauveur, dont ils soutiendront chaque décision. Les millions de personnes qui sont restées pendant des heures debout, criant à tue-tête, applaudissant à tout rompre Adolf Hitler ou Benito Mussolini, n’étaient pas des gens stupides à la tête creuse. Ils avaient été subjugués par le magnétisme du dictateur et se trouvaient possédés par un état émotionnel qui avait annihilé leur conscience et leur volonté. Il s’agit là d’une forme d’hypnose de masse.

Comme nous l’avons vu, en 1958, Gamal Abdel Nasser annonça l’union entre l’Égypte et la Syrie et l’établissement d’un nouvel État appelé la République arabe unie, dans laquelle la Syrie formait la province du nord et l’Égypte la province du sud. L’union dura jusqu’en 1961, lorsqu’un groupe d’officiers syriens se rebella et organisa un complot contre Nasser qui conduisit à la sécession de la Syrie.



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